Lunch avant Noël

Tuesday, December 18, 2012 11:45-13:45, Hôtel du Mont-Blanc
Speaker(s): Bernard Ollivier
Conférence de M. Bernard OllivierM. Bernard Ollivier, né en 1938 est fondateur de l’association
Seuil, dont le but est d’aider les jeunes en difficulté.
Notre conférencier du jour est journaliste honoraire, marcheur et
homme de projets.
Lors de son départ en retraite, ce Normand de souche part de
Paris à Compostelle afin de réfléchir et décider du sens qu’il va
donner à cette nouvelle période de vie. C’est pendant ces trois
mois qu’il entend parler de la réinsertion par la marche à pied.
Il est notamment l’auteur des ouvrages suivants :
 Longue Marche (trois volumes), il crée alors Seuil Normandie en mai 2000 et Seuil Paris en 2003
 Nouvelles d’en bas – Fiction – Les SDF dans le métro
 L’allumette et la bombe. Essai sur les banlieues après les émeutes de 2005 et description de la méthode Seuil
 Carnets d’une longue marche – Aquarelles de François Dermant, textes de Bernard Olivier, sur la route de la Soie
 La vie commence à 60 ans – mémoires
 Aventures en Loire – 1'000 km à pied et en canoë
 En septembre 2012, Bernard Olivier, en collaboration avec David Le Breton anthropologue et Daniel Marcelli, pédo-psychiatre publie aux éditions Erès « Marcher pour s’en sortir ».

Le projet Seuil

L’itinéraire éducatif d’un jeune suivi par un service de la Protection Judiciaire de la Jeunesse ou de l’Aide Sociale à l’Enfance est parfois et même souvent, long, sinueux, étonnant.
Des services éducatifs successifs, des placements multiples, collectifs ou autres et pour quelques’ uns, une incarcération… Ils deviennent « incasables », multirécidivistes, multi-réitérant. L’éducateur, le travailleur social multiplient des propositions qui peuvent s’avérer inopérantes.
A ce moment-là du suivi éducatif, la prise en charge individuelle du jeune proposée par Seuil peut être la réponse la plus adaptée.
Marcher… pour s’en sortir, une marche individuelle de 1'800 km accompagnée par un adulte.
Le projet Seuil recouvre pour le jeune plusieurs dimensions :
 Cette prise en charge individuelle souhaitée, un jeune – un adulte S’éloigner, se mettre à distance de son milieu familial, social pendant les 3 mois de marche
 Se responsabiliser
 Acquérir et développer une autonomie
 Poser quotidiennement des actes de re-mobilisation : activités concrètes, valorisantes, responsabilités dans la vie collective, avec transparence totale de ses actes. Le jeune remet ses repères habituels en question et commence à se restructurer
 Réaliser un exploit sportif de haut niveau qui nécessite un mental exceptionnel, une volonté, une énergie jusque là insoupçonnés. La marche va le révéler à lui-même, à sa famille, à ses proches, à ses éducateurs
 En se déroulant dans un autre pays, la marche introduit de l’inter-culturalité, permet de découvrir une autre société, de rencontrer des marcheurs, des randonneurs venant d’horizons les plus divers, des valeurs nouvelles bousculant ses représentations
Ce projet ne peut fonctionner qu’en étroite collaboration avec des éducateurs et les travailleurs sociaux et repose sur une adhésion de l’adolescent et non sur la contrainte.
C’est une prise en charge éducative renforcée qui est développée d’une manière itinérante, déambulatoire.

La marche selon Seuil

La gravité terrestre nous maintient les pieds au sol. Quand on marche on retrouve des conditions simples, humbles. Quand on marche, on ne peut pas aller tout le temps contre… sinon on s’épuise. On est obligé de s’accepter avec ses limites, de gérer son coups, de maintenir ses impulsions, de retenir ses tensions.
La marche de Seuil ouvre des horizons, change le statut du jeune, il devient actif de sa propre émancipations et ce par sa seule énergie, sa seule volonté.
 Changer l’image de soi très souvent liée au contexte social
 Lâcher prise Se libérer à travers la marche
 Se rendre disponible au présent, à la rencontre de l’autre, des autres
 Dépasser des limites qu’on croyait inaccessibles et se reconnaître à sa juste valeur
 Faire l’expérience de son corps
 Apprendre à se faire confiance, à faire confiance à l’autre, l’adulte accompagnant, aux autres…
 Se donner une rigueur quotidienne
Telle est la proposition de l’association Seuil. Prendre la route et marcher pour changer.
Après un stage de préparation, le jeune et son accompagnant suivent un itinéraire fixé à l’avance en pays étranger limitrophe de la France au rythme de 25 km par jour en moyenne pendant 15 semaines.
La présence permanente d’un accompagnant adulte qui partage les mêmes conditions de voyage oblige l’adolescent à réfléchir plus profondément que jamais auparavant, sur son passé et son avenir. Les éléments structurants sont l’effort quotidien, la gestion de leur matériel, les rencontres et la perspective d’une réussite.
Les marcheurs Seuil ne sont pas entièrement isolés, l’accompagnant équipé d’un téléphone de l’association est en contact régulier avec le responsable de la marche. Ils reçoivent deux visites de la part du groupe d’éducation et de soutien composé du responsable de marche, de la psychologue de l’association et du parrain du jeune et des co-marcheurs.
Parcourir les 1'800 km, réussir son objectif, aller au bout des 1'800 km crée une synergie, donne un élan insoupçonné. Profiter de rebondir sur cette réussite.
Dans la grande majorité des situations, le constat de départ n’est pas très encourageant : manque de motivation, pas d’objectifs,pas de projets, situations bloquées… Seuil veut faire le pari qu’un jeune peut s’en sortir… en marchant ou du moins créer un élan qui, pour rebondir, serve de base pour se projeter sur un devenir.
Au terme de la marche, le retour se fait « en douceur » : trois jours pour faire le bilan de la marche et finaliser, valider les propositions élaborées, construites pendant tout le parcours en lien étroit avec l’éducateur ou le travailleur social référent du jeune.

Extrait des actualités :

Marche Axxx avec Emmanuel 17.12.2012 au 30.01.2013

22 octobre 2012,

Je m’appelle A, j’ai bientôt 16 ans. Je suis arrivé en stage le 17 octobre, à Loscouët-sur-Mer (22) à la limite de l’Ille et Vilaine et des Côtes d’Armor. Je pars avec Emmanuel. Nous marchons sur le chemin du Levante à partir de Valence.
Cette semaine s’est passé vraiment vite. On a marché tout au long du stage. Le temps a été plutôt agréable. Dimanche, nous avons fait une longue balade avec Anthony, qui va nous suivre pendant toute la marche. Nous avons ramassé des champignons, des cèpes et des châtaignes.
Le soir, omelette, pommes de terre et champignons et des marrons grillés. Les propriétaires, nous avaient prêté une poêle avec des trous et une longue queue pour mettre sur les braises de la cheminée.
Bon ça y est, dernier soir dans le gîte avant le grand départ. Un long chemin nous attend. Ça va être dur pour moi et sûrement pour Emmanuel. Je suis assez pressé de découvrir cette partie de l’Espgane. Trois mois c’est long mais je reviendrai changé de cette marche et je pense que ma vie ne sera plus la même après.
A bientôt, A.

5 novembre 2012,

Les premiers jours de marche ont été vraiment durs. Plus j’avance et plus la facilité de marcher augmente. Les paysages en sortant de Valencia n’étaient pas superbes, arrivés en compagne, ils sont devenus plus magnifiques.
Nous avons campé trois fois, la 1ère fois à côté d’une gare, heureusement il n’y a pas eu beaucoup de trains à passer, la seconde nous avons planté nos tentes au milieu d’un champ d’oranges, c’était plus agréable, la dernière fois en plein milieu des champs tout simplement.
Nous avons été super bien reçu au gîte de la Fonte de la Figuerra. J’ai repris le goût de la lecture, j’ai lu « le roi sur le Seuil » de David Gemmel, le premier tome de la trilogie « Les Fourmis » de Bernard Weber et le 3ème tome des « 4 accords toltéques » de Don Miguel Ruiz.
Nous faisons des photos, à notre tableau de chasse, des lapins, des perdrix, qui sait nous aurons peut-être un sanglier ou un cerf.
Nous ramassons assez souvent des amandes, des mandarines, des grenades, et des kakis que nous dégustons et des champignons.
Un seul regret, nous ne rencontrons pas trop de randonneurs.
Hasta Luego
A.